Enrichissement - Chiasme touchant-touché (Merleau-Ponty)


Concept principal : Chiasme | Reversibilite | Corps propre | Reflexivite corporelle

Vue d’ensemble

Définition du concept :

Le chiasme touchant-touché est l’expérience fondamentale de la réversibilité du sentir : quand je touche ma main gauche avec ma main droite, je peux à tout moment “inverser” la relation et sentir ma main droite depuis ma main gauche. Cette réversibilité révèle que mon corps est à la fois sujet sentant et objet senti, qu’il est “chair” - ni pure subjectivité ni pure objectivité, mais leur entrelacement originaire.

**Pourquoi ce concept est crucial ? ** Le chiasme touchant-touché est au cœur de la dernière philosophie de Merleau-Ponty (Le Visible et l’invisible). Il fonde une nouvelle ontologie (philosophie de l’être) qui dépasse le dualisme sujet-objet. Pour la Technique Alexander et les pratiques somatiques, ce concept éclaire :

  • La nature du toucher pédagogique
  • La réflexivité corporelle (Behnke)
  • L’auto-perception proprioceptive
  • Le dépassement d’un corps-objet vers un corps-sujet

Sources principales :

  • Merleau-Ponty, M. (1964). Le Visible et l’invisible
  • Merleau-Ponty, M. (1945). Phénoménologie de la perception

MOYENS (How / Comment)

L’expérience du touchant-touché

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Le Visible et l’invisible (1964) Page/Contexte : Chapitre “L’entrelacs - le chiasme”

“Quand je presse mes deux mains l’une contre l’autre, il ne s’agit pas alors de deux sensations que j’éprouverais ensemble, comme on perçoit deux objets juxtaposés, mais d’une organisation ambiguë où les deux mains peuvent alterner dans la fonction de ‘touchante’ et de ‘touchée’.”

**Expérience concrète ? **

  1. Je touche ma main gauche avec ma main droite
  2. D’abord : main droite = touchante (active), main gauche = touchée (passive)
  3. Puis, sans bouger : je peux “inverser” mon attention
  4. Main gauche devient touchante, main droite devient touchée
  5. Cette inversion peut se faire à tout moment

C’est ce que Behnke décrit dans sa technique d’accordage ! Quand elle dit “réinterpréter une sensation en inversant touchant/touché”, elle utilise cette structure phénoménologique fondamentale.

Exemple : toucher mon pied avec ma main

  • D’abord : ma main touche mon pied (main active)
  • Puis : mon pied touche ma main (pied actif)
  • L’inversion réveille la sensibilité du pied

Connexions :


Citation 2 - La réversibilité comme structure de la chair

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Le Visible et l’invisible Page/Contexte : Notes de travail

“La réversibilité : le doigt de gant qui se retourne… Il y a réversibilité de voir et du visible, toucher et du touché. Il faut que cette réversibilité soit prise non comme un fait mais comme ce sans quoi il n’y aurait pas chair.”

Le MOYEN ontologique : la réversibilité comme structure même de l’être corporel

Métaphore du doigt de gant qui se retourne :

  • Dedans devient dehors
  • Dehors devient dedans
  • Sans rupture, sans séparation
  • C’est le même tissu qui se retourne sur lui-même

“Prise non comme un fait mais…” :

  • Ce n’est pas un phénomène occasionnel
  • C’est la structure constitutive de mon corps
  • C’est ce qui FAIT que mon corps est “chair” (ni objet ni sujet pur)

“Il n’y aurait pas chair” :

  • La chair (≠ viande, ≠ matière) = être sensible-sentant
  • Sans réversibilité → soit pure conscience (irréelle), soit pur objet (mort)
  • La réversibilité = signe que je suis incarné

Citation 3 - L’immédiate réversibilité du sentir

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Phénoménologie de la perception (1945) Page/Contexte : Chapitre “Le corps comme être sexué”

“Le corps surprend et définit ainsi l’essence de la conscience sensible : la réversibilité de ses rapports avec le monde. Si je touche activement ma main droite avec ma main gauche pendant qu’elle palpe, la main droite objet n’est pas la main droite touchante : la première est un entrelacs d’os, de muscles et de chair fléchie sur un point de l’espace, la seconde traverse l’espace comme une fusée pour aller révéler l’objet extérieur en son lieu.”

Le MOYEN de l’expérience : distinction entre deux modes d’être de la même main

Main droite objet (touchée) :

  • Entrelacs d’os, muscles, chair
  • Localisée dans l’espace
  • Dense, matérielle
  • Passive

Main droite touchante (sujet) :

  • “Traverse l’espace comme une fusée”
  • Intentionnelle, dirigée vers le monde
  • Active, exploratrice
  • Révèle les objets

MAIS : c’est la même main !

Paradoxe apparent :

  • Comment la même main peut-elle être les deux ?
  • Réponse : parce qu’elle est chair = ni l’un ni l’autre exclusivement

Lien avec ma pratique : Quand j’utilise mes mains pour enseigner :

  • Parfois je “pèse”, je touche l’élève comme objet (sentir ses tensions)
  • Parfois mes mains sont “transparentes”, dirigées vers l’espace (directions)
  • Je peux alterner très rapidement entre les deux
  • Cette alternance est au cœur du toucher

L’élève aussi peut apprendre cela :

  • Sentir son pied comme “objet” (lourd, au sol)
  • Sentir son pied comme “sujet” (explorant le sol, touchant)
  • L’inversion transforme l’expérience

Citation 4 - L’écart et l’entrelacs

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Le Visible et l’invisible Page/Contexte : Chapitre “L’entrelacs - le chiasme”

“La réflexion n’atteint pas la coïncidence totale. Elle est prise dans un entrelacs qui ne se laisse pas dénouer… Il y a un décalage, un écart qui fait que mes deux mains ne sont jamais simultanément touchante et touchée l’une pour l’autre. C’est ce décalage, cet écart de principe qui fait toute la différence entre le sentir et l’être senti.”

Le MOYEN de compréhension : l’écart irréductible

Coïncidence impossible :

  • Je ne peux PAS toucher ET être touché exactement au même instant
  • Il y a toujours un léger décalage temporel
  • Quand je passe de touchant à touché, ça “bascule”
  • Les deux ne se superposent jamais parfaitement

Pourquoi cet écart est important :

  • Si coïncidence parfaite → je serais pure conscience (esprit)
  • L’écart = preuve de mon incarnation
  • L’écart maintient l’ambiguïté constitutive de la chair
  • Sans écart, pas de réversibilité (car pas de deux “côtés” à inverser)

“Ne se laisse pas dénouer” :

  • On ne peut pas “séparer” touchant et touché proprement
  • Ils sont entrelacés comme les fils d’un tissu
  • Vouloir les séparer détruit la structure

Cet écart est précieux en Technique Alexander :

  • Il maintient l’élève dans un état d’exploration
  • L’élève ne peut jamais “coïncider” totalement avec lui-même
  • Il y a toujours une ouverture, un jeu
  • C’est dans cet écart qu’un changement peut advenir

Citation 5 - Le corps comme sentant-sensible

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Phénoménologie de la perception Page/Contexte : Partie I, chapitre “Le corps”

“Mon corps est fait de la même chair que le monde… et cette chair de mon corps est partagée par le monde, elle en est la texture, elle participe de son être et de sa production. Elle est donc à mi-chemin entre l’individu spatial que nous sommes et le monde qui est comme un autre individu en face de lui.”

Le MOYEN d’articulation : la chair comme milieu commun

“Même chair que le monde” :

  • Mon corps n’est pas séparé du monde par une frontière absolue
  • Il est fait de la même étoffe
  • Il participe au monde

“À mi-chemin” :

  • Ni totalement “moi” (intérieur)
  • Ni totalement “monde” (extérieur)
  • Zone médiane, zone de passage

Implications :

  • Mon corps est le lieu où moi et monde se rencontrent
  • Il est visible (pour autrui, et pour moi dans le miroir)
  • Il est voyant (je vois le monde depuis lui)
  • Il est touchable (pour autrui, et pour moi-même)
  • Il est touchant (je touche le monde)

Lien avec ma pratique : Le toucher Alexander se situe dans cette zone médiane :

  • Ni purement subjectif (ce n’est pas “dans ma tête”)
  • Ni purement objectif (ce n’est pas mécanique)
  • C’est une rencontre dans la chair partagée

Quand mes mains touchent l’élève :

  • Je ne touche pas “de l’extérieur”
  • Je participe à sa chair
  • Nous sommes momentanément dans un continuum charnel
  • C’est pour cela que la transformation peut se transmettre

EFFETS (What / Quoi)

Citation 1 - Dépassement du dualisme sujet-objet

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Le Visible et l’invisible Page/Contexte : Notes de travail

“Il n’y a pas de problème de l’alter ego parce que ce n’est pas moi qui vois, pas lui qui voit, nous sommes l’un et l’autre habités par une visibilité anonyme, vision générale, en vertu de cette propriété primordiale qui appartient à la chair d’être ici et maintenant et de rayonner partout et à jamais.”

EFFET ontologique : dissolution du problème sujet-objet

Problème classique de l’alter ego :

  • Comment puis-je savoir qu’autrui a une conscience ?
  • Je ne vois que son corps (objet)
  • Sa conscience m’est inaccessible

Solution de Merleau-Ponty :

  • “Ce n’est pas moi qui vois” = la vision n’est pas enfermée dans un sujet
  • “Vision générale” = la vision circule, dépasse les individus
  • “Chair” = tissu commun où moi et autrui participons

“Habités par une visibilité anonyme” :

  • Ce n’est pas MOI (ego) qui vois
  • C’est la chair qui se voit à travers moi
  • Autrui et moi : deux points où la chair se replie sur elle-même pour se voir

Citation 2 - Conscience incarnée, pas désincarnée

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Phénoménologie de la perception Page/Contexte : Avant-propos

“Je ne suis pas devant mon corps, je suis dans mon corps, ou plutôt je suis mon corps. Par conséquent, ni l’expérience du corps propre ni celle de l’autre n’ouvrent sur un quelconque esprit : je n’ai pas à penser la présence d’autrui, elle est là.”

EFFET pour la conscience : incarnation radicale

“Je suis mon corps” (pas “j’ai un corps”) :

  • Refus du dualisme cartésien
  • La conscience n’est pas “dans” le corps comme dans un contenant
  • La conscience EST corporelle

“Je n’ai pas à penser la présence d’autrui, elle est là” :

  • L’autre n’est pas une inférence intellectuelle
  • Il est immédiatement présent dans mon champ perceptif
  • Présence charnelle, pas représentation mentale

Implications pour la conscience :

  • Toute conscience est située
  • Toute conscience est perspective
  • Toute conscience est incarnée (embodied)

Observation personnelle : En Technique Alexander, nous explorons avec cette conscience incarnée :

  • Pas une conscience “qui surveille” le corps d’en haut
  • Une conscience du dedans, sentante
  • “Tu sens ton épaule ou tu ES ton épaule sentante ?”
  • Passer de l’objectivation à l’incarnation

Citation 3 - Le corps comme œuvre d’art : unité dans la diversité

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Phénoménologie de la perception Page/Contexte : Chapitre sur le corps

“Mon corps tout entier n’est pas pour moi un assemblage d’organes juxtaposés dans l’espace. Je le tiens dans une possession indivise et je connais la position de chacun de mes membres par un schéma corporel où ils sont tous enveloppés.”

EFFET pour l’expérience de soi : unité vécue, pas pensée

“Pas un assemblage” :

  • Pas une somme de parties
  • Pas une mécanique (comme une voiture)
  • Unité vécue de l’intérieur

“Possession indivise” :

  • Je ne possède pas mes membres séparément
  • C’est une totalité immédiate
  • Je ne dois pas “additionner” mentalement mes parties

“Schéma corporel où ils sont tous enveloppés” :

  • Conscience globale, gestaltique

  • Chaque partie existe en relation avec les autres

  • Modification d’une partie = résonance sur le tout

  • percevoir le corps comme totalité

  • Chaque changement local = réorganisation globale

Citation 4 - Ouverture au monde par le corps

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Phénoménologie de la perception Page/Contexte : Conclusion

“Le monde est inséparable du sujet, mais d’un sujet qui n’est rien que projet du monde, et le sujet est inséparable du monde, mais d’un monde qu’il projette lui-même. Le sujet est être-au-monde et le monde reste ‘subjectif’ puisque sa texture et ses articulations sont dessinées par le mouvement de transcendance du sujet.”

Ma compréhension : EFFET pour la relation au monde : co-constitution réciproque

Circularité :

Sujet → projette → Monde
  ↑                  ↓
  ← dessine texture ←

Ni réalisme naïf (le monde existe indépendamment de moi) Ni idéalisme (le monde est ma représentation)

“Être-au-monde” :

  • Je ne suis pas d’abord “un sujet” qui ensuite “entre en contact” avec le monde
  • Je suis d’emblée au monde
  • Mon être = être-là, être-situé

“Mouvement de transcendance” :

  • Je suis toujours déjà hors de moi
  • Dirigé vers le monde
  • Pas enfermé dans une intériorité

Usage possible ?

  • fermé sur nous-même (“je me regarde de l’intérieur”)
  • s’ouvrir vers l’espace
  • La direction est vers le monde, pas repli sur soi

Citation 5 - Le chiasme voir-visible généralisé

Auteur : Maurice Merleau-Ponty Source : Le Visible et l’invisible Page/Contexte : Chapitre “L’entrelacs - le chiasme”

“Il y a un rapport fondamental du visible et du touchant, comme si celui-là était une promesse de celui-ci, comme si le visible était fait pour culminer dans le toucher… Le corps propre étant visible et touchant, il se peut qu’il empiète sur toutes choses visibles et touchables dont il fait partie.”

EFFET généralisé : extension du chiasme à toute perception

Pas seulement toucher-touché :

  • Aussi : voir-visible
  • Entendre-audible
  • Etc.

“Comme si le visible était fait pour culminer dans le toucher” :

  • Le toucher = expérience la plus immédiate de la réversibilité
  • Mais la vue aussi est réversible (je suis visible pour autrui)
  • Toute perception a cette structure chiasmatique

“Il empiète sur toutes choses” :

  • Mon corps n’est pas séparé des choses
  • Il participe à elles
  • “Empiéter” = déborder, s’entrelacer

Observation personnelle : Nous explorons sur tous les sens :

  • Le toucher (évidemment)
  • Mais aussi la vision (qualité du regard)
  • L’audition (écouter l’espace)
  • La kinesthésie (agentivité)

Tous ces sens ont la structure du chiasme :

  • Je vois / je suis visible
  • J’entends / je peux être entendu (ma voix)
  • Je bouge / je suis mû (par la gravité, l’environnement)

Affiner la réversibilité sur tous ces plans.

🔄 Relation MOYENS ↔ EFFETS

Synthèse : Comment le chiasme transforme notre compréhension

MOYEN : L’expérience du touchant-touché

Main droite touche main gauche
         ↓
  Je peux "inverser"
         ↓
Main gauche touche main droite
         ↓
 Réversibilité découverte

EFFET : Révélation de la nature de la chair

Je ne suis ni pur sujet ni pur objet
         ↓
    Je suis CHAIR
    (sentant-sensible)
         ↓
  Dépassement du dualisme

Mécanisme central : De l’expérience à l’ontologie

1. Expérience concrète

  • Je touche ma main
  • Je découvre la réversibilité
  • C’est accessible à tous

2. Prise de conscience phénoménologique

  • Cette réversibilité n’est pas un “truc”
  • C’est la structure même de mon être corporel
  • C’est ce qui fait que je suis incarné

3. Révélation ontologique

  • Si mon corps est réversible (touchant-touché)
  • Alors il n’est ni sujet pur ni objet pur
  • Il est chair = être ambigu

4. Extension

  • Cette structure chiasmatique se retrouve partout
  • Voir-visible
  • Entendre-audible
  • Moi-autrui

Application à la Technique Alexander

Le chiasme dans le toucher pédagogique

PROFESSEUR ↔ ÉLÈVE
    ↓           ↓
Je touche  ←→  Je suis touché
Je sens    ←→  Je suis senti
    ↓           ↓
   CHAIR PARTAGÉE
    (momentanément)
    ↓
TRANSFORMATION MUTUELLE

Pourquoi ça fonctionne :

  1. Le toucher n’est jamais à sens unique
  2. Il y a échange dans la chair
  3. Professeur et élève participent au même tissu charnel (momentanément)
  4. La transformation se transmet par cette participation

Le chiasme et l’auto-perception

Application personnelle (élève seul)

AVANT : Vision objectivante
"Mon épaule est tendue" (objet)
         ↓
    Coupure sujet-objet
         ↓
  Contrôle, correction
         ↓
   Renforcement de la tension
APRÈS : Vision chiasmatique
"Je sens mon épaule sentante"
         ↓
   Réversibilité
  (je la sens / elle sent)
         ↓
  Participation, non-contrôle
         ↓
  Libération, transformation

Paradoxes identifiés

Paradoxe 1 : L’écart nécessaire

  • Pour qu’il y ait réversibilité, il faut un écart
  • Mais cet écart n’est pas une séparation
  • C’est un entrelacs, pas un fossé

Paradoxe 2 : Unité sans fusion

  • Dans le chiasme, je ne fusionne pas avec le monde
  • Mais je ne suis pas séparé non plus
  • Unité différenciée

Paradoxe 3 : Activité-passivité

  • Touchant = actif
  • Touché = passif
  • MAIS : les deux sont le même dans la réversibilité
  • Ni purement actif ni purement passif : ambiguïté

Tableau récapitulatif

MOYEN (Expérience/Structure)EFFET (Révélation/Transformation)MécanismeLien AlexanderNote
Toucher mes deux mainsDécouverte de la réversibilitéAlternance touchant/touchéRéflexivité corporelleBehnke
Écart irréductibleMaintien de l’ambiguïtéNon-coïncidenceEspace du changementEcart
Chair comme tissu communDépassement sujet-objetParticipationToucher pédagogiqueIntercorporeite
Schéma corporel globalUnité vécue (non pensée)EnveloppementContrôle primaireSchema_corporel
Être-au-mondeOuverture, transcendanceProjetDirections vers l’espaceDirection

Schémas explicatifs

Le chiasme comme structure

      TOUCHANT
         ↕
    (réversibilité)
         ↕
      TOUCHÉ
         ↓
      CHAIR
  (ni l'un ni l'autre
   exclusivement)

Extension du chiasme

     PERCEPTION
         ↓
    ┌─────┴─────┐
VOIR          TOUCHER
  ↕               ↕
VISIBLE      TOUCHABLE
  ↓               ↓
    └─────┬─────┘
         ↓
   CHAIR DU MONDE

Chiasme moi-autrui

       MOI  ←→  AUTRUI
        ↓         ↓
   Touchant   Touchant
   Visible    Visible
        ↓         ↓
    ←────────────→
    CHAIR PARTAGÉE

Applications pédagogiques Alexander

Exercice ? : Découvrir le chiasme

  1. “Pose ta main droite sur ta main gauche”
  2. “Qu’est-ce que tu sens ?”
  3. Souvent : “Je sens ma main gauche”
  4. “OK. Maintenant, sans bouger, sens ta main droite”
  5. “Comment ta main gauche sent ta main droite ?”
  6. Surprise : “Ah ! Ça change !”
  7. “Tu peux alterner entre les deux ?”

Ce que ça enseigne :

  • La réversibilité n’est pas automatique
  • Il faut apprendre à l’activer
  • C’est une capacité disponible mais souvent non utilisée

Exercice 2 : Chiasme et zones “mortes”

Pour les zones insensibles (pied, dos, etc.) :

  1. “Touche ton pied avec ta main”
  2. “Ta main sent ton pied… Bien”
  3. “Maintenant, inverse : ton pied touche ta main”
  4. “Comment c’est ?”

Merleau-Ponty et Behnke

Merleau-PontyBehnkeConvergence
Chiasme touchant-touchéRéinterpréter la sensationMême structure
Réversibilité de la chairInverser touchant/touchéMême mécanisme
Écart irréductible”Faire comme si”Même ambiguïté
Chair partagéeAccordage = rencontreMême participation

Complémentarité :

  • Merleau-Ponty = fondation philosophique
  • Behnke = application pratique, technique

Comment cela informe la pratique

Questions ouvert

**Q1 : Rapport du chiasme à l’habitude ? **

Q2 : Y a-t-il un lien entre chiasme et inhibition ?

Hypothèse :

  • L’inhibition suspend la fixation d’un côté (touchant OU touché)
  • Elle ouvre l’espace pour la bascule réversible
  • Sans inhibition → « coincé » dans un pôle (actif OU passif)

Q3 : Le chiasme dans les directions Alexander ?

Hypothèse :

  • “Laisser le cou libre” = je suis à la fois :
    • Celui qui “laisse” (touchant, actif)
    • Celui qui “est laissé libre” (touché, passif)
  • La direction joue sur la réversibilité ?

❓ Questions en suspens

Sur l’EFFET (transformation)

  • ❓ Pourquoi la découverte du chiasme est-elle si transformatrice ?

Sur la RELATION (application pratique)

  • ❓ Comment transmettre l’expérience du chiasme sans la “réduire” ?
  • ❓ Peut-on utiliser le chiasme comme outil pédagogique explicite ?
  • ❓ Y a-t-il des limites à l’approche chiasmatique ?

Bibliographie

Œuvres de Merleau-Ponty

Principales :

  • Merleau-Ponty, M. (1945). Phénoménologie de la perception. Gallimard.
  • Merleau-Ponty, M. (1964). Le Visible et l’invisible. Gallimard.

Autres :

  • Merleau-Ponty, M. (1942). La Structure du comportement. PUF.
  • Merleau-Ponty, M. (2003). L’Institution, la passivité : Notes de cours au Collège de France. Belin.

Commentateurs

  • Barbaras, R. (1991). De l’être du phénomène. Sur l’ontologie de Merleau-Ponty. Millon.
  • Carman, T. (2008). Merleau-Ponty. Routledge.
  • Dillon, M.C. (1988). Merleau-Ponty’s Ontology. Northwestern University Press.

Liens avec pratiques somatiques

  • Behnke, E. (voir fiche Accordage (tuning))
  • Hanna, T. (1986). “What is Somatics?” Somatics.
  • Johnson, D. (1983). Body. Beacon Press.

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_Le chiasme touchant-touché est probablement le concept le plus important de la phénoménologie merleau-pontienne pour les pratiques somatiques. Il fournit la fondation philosophique rigoureuse de ce que nous faisons intuitivement dans le toucher, l’accordage, et l’auto-perception transformatrice.