Extrait de “Attentionographie” E.Bigé (2012)
- Ajout le 18/12/2025
➫ Il s’agit d’une forme d’émulation pédestre : on ne prête attention qu’à ce qui est tenu pour appartenir à notre expérience commune, d’où une manière désinvolte de le décrire :
“C’est une perception assez facile : tout ce que vous avez à faire, c’est de vous lever et de vous détendre - vous savez - et à un certain moment, vous vous rendez compte que vous avez détendu tout ce que vous pouviez détendre, mais que vous êtes toujours debout et que dans cette position debout, il y a beaucoup de mouvements infimes… le squelette qui vous maintient droit même si vous vous détendez mentalement. Or, dans le fait même que vous vous ordonnez de vous détendre et que vous continuez pourtant à vous tenir debout - en trouvant la limite à laquelle vous ne pouvez plus vous détendre sans tomber, vous êtes mis en contact avec un effort de soutien de base qui se produit constamment dans le corps”. (Paxton 1978:11)
➫ La Petite Danse entraîne donc le danseur à un état de vigilance accrue. L’attention est portée sur les sensations infimes impliquées dans l’activité de la station debout : sensation des déplacements de poids, des ajustements posturaux le long de la colonne vertébrale, des organes, de l’eau, de l’air et de l’eau, flottant jusqu’au bol pelvien, qui constituent ” l’espace tonique ” dans lequel baigne le danseur (Bigé 2017).
➫ Cette hyper-vigilance s’opère par un entremêlement des usages descriptifs et prescriptifs du langage, comme le montre cette transcription d’un cours de 1977 :
“… Force ascendante des os. Les omoplates tombent dans le dos. Détendez les intestins dans la cuvette du bassin… Dans la direction où les bras pendent, sans changer cette direction, faites le plus petit étirement que vous pouvez encore sentir. Est-ce que ça peut être plus petit ? Pouvez-vous en faire moins ? L’initiation de l’étirement, le long des os, dans la direction où la force va déjà. La petite danse - vous vous détendez et il vous maintient en place.” (Paxton 1986:49)
➫ Cette forme de “matching” (Behnke 1995) entre les réflexes et l’activité volitive du danseur est un aspect important des modes attentionnels visés dans la pratique de la Petite Danse. Elle va de pair avec l’intérêt pédagogique de Paxton pour les moments où la conscience s’échappe de la situation : comment reconnaître ces moments ? Et peut-on les éviter ?
L’effort constant de ramener la conscience à ce qui se passe entraîne un mode d’hyper- vigilance, où ce qui sert normalement de fond attentionnel (ma posture, le fait que je reste debout) se voit accorder une importance égale aux figures qui apparaissent avec lui (mes perceptions distales, le monde qui m’entoure).