IL est difficile de donner une définition à l’attention, elle enjambe négligemment les domaines, les éclaire et les nourrit (philosophie, éthique, sciences sociales, développementales, sciences cognitives). Elle est partout au cœur de toutes les attentions et bien trop souvent définie ➫ comme une denrée rare, une ressource privée, limitée et de fait convoitée.
Comme le souligne Jeremy Damian, _le surgissement de la question de l’attention ( nos attentions ! ) dans l’espace public marque à la fois les menaces qui pèsent sur elle, du fait de toutes les formes de prédation dont elle fait l’objet, et le souci renouvelé de collectivement réapprendre à « faire attention _ .
Mais bien qu’au centre de nos pratiques humaines, l’attention n’est pas un dû : elle engage des désirs (ce vers quoi je tends), des épreuves (l’effort de maintien, la lutte contre la dispersion), et des dispositifs (les appuis matériels et sociaux qui la soutiennent).
Elle est au cœur de nos apprentissages (je configure par ce que j’écoute), de notre motricité (je deviens par comment je me “tiens”), de nos choix (je m’engage par où je porte mon regard).
Prêter attention, perdre l’attention ou la capter, être bien attentionné, autant de verbes qui pointent vers une motricité qui «porte» et signe un certain rapport au monde.
Nous vivons une révolution attentionnelle : non seulement par la multiplication des supports et la profusion des stimulations, mais aussi par la transformation des formes mêmes de l’attention sollicitées — de l’attention soutenue et profonde vers l’attention fragmentée et réactive, balkanisée.
Tout cela nous demande de repenser intensément nos pratiques — et d’abord, de nous demander : sommes-nous encore en mesure de fabriquer des objets, des gestes, des situations qui cultivent une certaine qualité d’attention ? Et si oui pour quoi faire ?